Janvier dernier, l’économiste en chef du FMI publie un papier dans lequel il affirme avoir sous-estimé le multiplicateur keynésien dans les pays de l’OCDE. Cette publication avait alors fait couler beaucoup d’encre car le multiplicateur keynésien est un outil essentiel pour le FMI : son aide aux pays en difficulté est offerte en échange de plans d’ajustement basés notamment sur les calculs du multiplicateur.
Intéressons-nous d’abord aux aspects théoriques du multiplicateur keynésien. Celui-ci est enseigné dès la 1ère ES, on apprend alors aux lycéens que quand un gouvernement augmente les dépenses publiques de 1%, le PIB doit proportionnellement bouger de Δ%. Et c’est le calcul de Δ qui pose problème car une valeur plus ou moins élevée de Δ changera totalement le sens des recommandations du FMI.
En réalité, la valeur calculée de Δ dépend essentiellement de la théorie économique que l’on utilise. Dans un article intitulé « Multiplicateur de dépenses publiques Nouveaux Keynésiens contre Anciens Keynésiens » , les économistes comparent les valeurs du multiplicateur en fonction de la théorie économique et les résultats sont assez percutants :
Table 1. Impact d’une hausse permanence des dépenses publiques de 1% sur le PIB (avec taux directeur mis à 0 entre 2009 et 2010) aux USA
Pourcentage de hausse du PIB réel
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2009T1 | 2009T4 | 2010T4 | 2011T4 | 2012T4 | |
Romer/Bernstein (modèle keynésien) | 1,05% | 1,44% | 1,57% | 1,57% | 1,55% |
Smets/Wouters (modèle nouveau keynésien) | 1,03% | 0,89% | 0,61% | 0,44% | 0,40% |
Le modèle keynésien (proche de l’IS-LM) donne une valeur du multiplicateur deux à trois fois plus importante que le son homologue nouveau keynésien. Et c’est bien là le problème car le FMI a effectué ses recommandations pour la Grèce et l’Irlande sur la base du modèle de Smets et Wouters. Le FMI a encouragé une baisse des dépenses publiques grecques drastique de plus de 10% début 2010, il n’imaginait pas que la réponse du PIB serait plus que proportionnelle.
La différence majeure entre un modèle nouveau et ancien keynésien vient des anticipations : les modèles nouveaux keynésiens intègrent des agents représentatifs qui anticipent parfaitement le futur. Cette hypothèse, appelée anticipation rationnelle, amène à des estimations parfois peu réalistes du multiplicateur car dans un monde où tout est prévisible, une hausse des dépenses publiques entrainera obligatoirement une hausse des impôts futurs et donc diminuera l’effet du multiplicateur.
En somme, il n’existe pas de valeur universelle du multiplicateur, celle-ci varie dans le temps et dépend de beaucoup du contexte. A la lumière de l’exemple grec et irlandais, il devient évident qu’exiger une baisse drastique des dépenses ne réglera pas le problème de compétitivité et de dette, pire, il l’aggravera.