[latexpage]Les chiffres sont tombés pour Janvier 2014 : l’inflation de la zone Euro recule encore à niveau bas de 0.7%, soit un résultat bien inférieur à l’objectif de 2%. Il faut remonter à la période la crise financière en 2009 pour trouver des valeurs aussi faibles, preuve que la crise n’est pas toujours pas finie en zone euro.

Indice des prix à la consommation depuis 1999

Indice des prix à la consommation depuis 1999

Les armes de la théorie économique contre la déflation

La question qui peut alors se poser est comment lutter contre ce risque de déflation ? De ce point de vue, la théorie économique nous suggère plusieurs possibilités :

1) Du point de vue des monétaristes et des classiques, l’inflation est avant tout un phénomène monétaire, il suffit alors de faire croître la masse monétaire pour créer de l’inflation. Cette possibilité a déjà été explorée par la BCE en 2011 et 2012, elle s’est notamment lancée dans d’importants plans d’injections monétaires (LTRO) mais les effets ont été faibles : ni le crédit ni l’investissement n’ont redémarré.

2) Dans une perspective keynésienne, l’inflation est un phénomène de demande, il convient alors de relancer l’économie et plus particulièrement la consommation et l’investissement. Dans le contexte actuel, on voit difficilement les Etats relancer l’activité par des déficits, ces derniers sont fortement incités par la Commission et la BCE à une réduction drastique des déficits. Le financement des Etats par la planche à billets étant interdite par le traité de Maastricht, cette possibilité est également écartée.

3) La dernière arme, issue de la nouvelle synthèse néokeynésienne, consiste alors à contrôler l’inflation par le taux d’intérêt nominal de la Banque Centrale. Cette théorie nous dit qu’une banque centrale peut ancrer les anticipations d’inflation des agents économiques en utilisant la règle de taux d’intérêt (dite règle de Taylor) suivante :

\[
R_t  = 2\% + \phi \times \pi_t
\]

Où $R_t$ est le taux directeur nominal, 2% est la cible d’inflation, $\pi_t$ est l’inflation pénalisée à un niveau $\phi$.  Si cette arme s’est révélée être redoutable contre  l’inflation depuis les années 70, elle se montre bien moins puissante dès qu’il s’agit de lutter contre la désinflation, voire la déflation.

Déflation et inefficacité de la politique monétaire

S’il est bien plus facile de conduire une voiture en marche avant qu’en marche arrière, ce fait peut aussi s’appliquer à la politique monétaire. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les trois taux d’intérêt directeurs de la BCE pour comprendre l’essoufflement de celle-ci face au risque de déflation.

Taux directeurs de la BCE sur les dépôts, les opérations de refinancement et les facilités permanentes.

Taux directeurs de la BCE sur les dépôts, les opérations de refinancement et les facilités permanentes.

Depuis début 2012, les taux sur les facilités de dépôts ont touché la borne minimale de 0, tandis que les principales opérations de refinancement sont à 0,25%. A ce stade, la BCE n’a quasiment plus de marge de manoeuvre pour lutter contre l’inflation. Pour s’en convaincre, on peut simuler la valeur du taux directeur sur les dépôts si celui-ci admettait des valeurs négatives: on observe clairement en rouge qu’un taux optimal serait autour de -0,75%. La politique monétaire est donc devenue moins efficace depuis mi-2012.

Si le taux directeur sur les dépots admettait des valeurs négatives, il serait en dessous de 0 depuis 2012

Si le taux directeur sur les dépots admettait des valeurs négatives, il serait en dessous de 0 depuis 2012

Si l’inflation continue sur sa trajectoire descendante, la politique monétaire deviendra alors inefficace car elle ne pourra ajuster son taux d’intérêt. Si ce scénario se confirme, la BCE peut décider de mettre son taux de refinancement à 0, mais l’expérience japonaise montre qu’une fois à 0, il est difficile pour une banque centrale d’en sortir. Soit la BCE, constatant l’épuisement de son arme de taux d’intérêt, peut décider d’entrer dans une nouvelle politique non conventionnelle par des injections monétaires massives dans le système bancaire, hypothèse pour le moment écartée par le président de la BCE hier. Enfin, dernière possibilité, rendre négatif le taux directeur sur les dépôts, ce qui pénaliserait le dépôt des banques et in fine des ménages mais contraindrait les banques à investir dans l’économie.